André Dubuc
Des convictions mises à rude épreuve
Ce texte était à jour le 6 octobre 2023.
Les dernières semaines ont été coûteuses pour les détenteurs de lingots d’or et de titres aurifères. Nos portefeuilles fictifs le reflètent clairement. En septembre, l’once a vu son prix reculer de 5,5 %, passant de 2638 $ à 2494 $ en dollars canadiens. Ça, c’est à court terme. Depuis le 4 mai, c’est pire, le prix a retraité de 10 %, de 2770 $ à 2494 $. C’est pire du côté des titres aurifères, le fonds négocié en Bourse regroupant les principaux producteurs d’or (XGD, à Toronto), a concédé 9 % de sa valeur en 90 jours seulement, à 15,93 $. On l’a écrit dans notre guide Investir dans l’or, quand le prix de l’or dégringole, la marée entraîne avec elle les titres aurifères sans exception, les bons titres comme les mauvais.
Pourquoi en est-il ainsi ? Le prix de l’or fait face à un vent de face, provoqué par la remontée des taux d’intérêt de long terme. Le taux sur les obligations souveraines des États-Unis est à 4,8%, un taux que l’on n’a pas vu depuis des lustres.
La hausse du taux obligataire augmente le coût d’opportunité de détenir l’or, car le métal jaune ne produit pas de revenus. L’effet négatif sur le prix de l’or est accentué par le fait que la hausse du rendement sur les titres de dette du gouvernement américain a pour effet de stimuler la demande pour le billet vert, ce qui en fait monter la valeur. Quand le prix du dollar US augmente, l’or, comme les autres ressources, sont libellées en dollars américains. Le renforcement du premier fait reculer le prix de l’or et des autres commodités.
Ceci dit, nous restons fidèles à nos convictions exposées dans notre guide. Notre thèse repose sur le fait que l’inflation restera au-dessus de la cible des banques centrales de 2 % pour un avenir prévisible. Nous pensons que la politique monétaire restrictive menée par la Fed et la Banque du Canada finira par faire tomber l’économie nord-américaine en récession. Le cas échéant, la marge bénéficiaire des sociétés va souffrir et, par ricochet, le cours de de leurs actions. Dans pareil scénario, nous croyons que la pression se fera forte sur les autorités monétaires américaines pour assouplir, ne serait-ce que de quelques points de base, sa politique monétaire. L’année 2024 est une année d’élection présidentielle aux États-Unis, après tout. Si la Réserve fédérale pivote comme on l’anticipe, la diminution des taux d’intérêt fera pression à la baisse sur le dollar américain et réduira le coût d’opportunité de détenir l’or. Ce sont deux facteurs favorables à l’appréciation du prix du lingot.
Inflation têtue, récession économique qui provoquera un relâchement monétaire, trois conditions, qui une fois réunies, propulseront le prix de l’or au-delà de son sommet 2075 $ US, enregistré en août 2020. Il reste à savoir quand.
Évidemment, nous pouvons nous tromper. L’économie américaine pourrait contre toute attente réussir un atterrissage en douceur. Mais, perso, nous n’y croyons pas.
Si jamais la Fed réussit à dompter l’inflation sous les 2 % sans pousser les USA en récession, notre pari sur l’or n’aura pas été payant. On ne pleurera pas longtemps, car le reste de notre portefeuille aura répondu en conséquence. Bref, l’or doit être considéré comme une assurance-patrimoine. Après tout, personne regrette d’avoir pris une assurance-habitation même si on n’a pas passé au feu dans le courant de l’année.
En résumé, l’or a un rôle à jouer dans la diversification d’un portefeuille, puisque le métal précieux est faiblement corrélé aux actions et obligations. Selon le profil de l’investisseur et son degré de tolérance au risque, détenir une petite partie de son avoir en or, entre 2 et 10, voire 15 %, permet d’affronter la tempête comme celle connue en 2022 où l’or s’est apprécié de 6,9 % en dollars canadiens au moment où les actions et les obligations enregistraient tous deux un rendement négatif. En passant, l’or reste très légèrement en territoire positif en 2023 (+0,6 %) malgré le recul des dernières semaines.